L'exposition Harald Szeemann « Quand les attitudes deviennent forme » montée en 1969 à la Kunsthalle de Berne est légendaire. Elle a représenté un tournant décisif dans l'histoire des expositions d'art contemporain et a valu à Harald Szeemann sa démission. Rendre visible le processus artistique jusque dans le produit final est une démarche novatrice qui constituera une révélation pour les uns et un choc insupportable pour les autres, en particulier l'establishment bernois. Voir François AubartPdf Joint
La Kunsthalle, c’est un bâtimnt, qui ressemble à une espèce de temple protestant. Rien de glamour. Du béton et encore du béton. Un cimetière disait Szeemann, je ne serai pas le gardien d’un cimetière, quand il est en a pris la direction en 1961. Mais alors aussi, tout sauf le chef d’œuvre, qui comme vous le savez est le titre d la première exposition de Metz. Marlène Belilos
Harald Szeemann a écrit des dizaines de textes en quête des utopies enfuies dans les œuvres d’art qu’il a traquées, assemblées, disloquées, indexées. Ecrire les expositions, publié en 1996, recueille préfaces, avant-propos, postfaces, interviews, proses et poésies produits pendant près de cinquante ans d’activité frénétique. D’emblée, il livre son identity-kit: «Je suis un penseur sauvage». Libre comme l’air, il savoure les rêves qui habitent les hommes. Il plonge corps et âme dans l’officine de Vulcain où l’on fabrique les mythes. C’est un amour obsessionnel pour le «subjectif unilatéral» – il y a toujours un individu, seul, au cœur d’une œuvre d’art, d’un tourbillon d’énergies – tout le contraire de l’anonyme collectif. Cette cellule anarchique, séparée du reste, volatile, mérite le musée. Il faut reconnaître son originalité et la défendre becs et ongles. Les musées servent à propager et protéger ces organismes fragiles. Comme autant de bonnes nouvelles porteuses de vérités. Alors on bannit les commissions, nécessaires certes au contrôle administratif des institutions, mais inaptes au dialogue avec les créateurs. Le choix ou l’achat d’une œuvre est un acte d’amour, d’un «je» face à un autre «je». La sauvagerie largue alors les amarres, emporte l’esprit et bâtit l’aventure du regard. Elle bricole couche par couche la mémoire collective dans l’œil de la société. Harald Szeemann, Ecrire les expositions, La Lettre volée, Bruxelles, 1996.
Infatigable, Harald Szeemann a révélé quantité d'artistes, formés beaucoup de commissaires, monté un nombre considérable d'expositions et abondamment exprimé ses vues à travers livres, articles et entretiens. Cet homme soucieux d'indépendance et de liberté d'action a développer une position dissidente en tout et pour tout.
Lawrence Wiener & Michael Heizer sont à Berne, ils parlent de leur objets.
C'est l'exposition "Quand les attitudes deviennent forme" qui, en 1969, a instauré la production d'expositions comme un genre. Non pas qu'elle fut la seule, mais elle eut le mérite d'être la plus démonstrative et prospective. Les premiers centres d'art, de Bordeaux, Dijon ou Lyon allaient engager des pratiques qu'ignoraient encore les musées, à savoir instaurer la commande en exposition. Il s'agissait de proposer une exposition à un artiste, sur la base d'un projet plutôt que d'un travail déjà réalisé, avec tous les aléas mais aussi toutes les libertés que cela allait permettre. Bien sûr le marché n'avait pas encore fait son choix. Les collectionneurs n'avaient pas déjà formulé leurs préférences, et la critique toujours prononcé ses verdicts, mais on pouvait enfin voir de l'art en train de se faire. Et de se faire près de soi, sans être obligé de faire le voyage vers la capitale artistique du moment. Jean-Marc Poinsot "Avant-garde : deuxième essai"
"Quand les attitudes deviennent forme" à Berne en 1969. Un film de Laure Ball, réalisation Alain Franchet, Musique Michel Magne, Montage Michel David.