• LA POÉSIE DE RENÉ CHAR OU LE SEL DE LA SPLENDEUR, JEAN-CLAUDE MATHIEU

    Bourreaux de solitude                                                                                Hangmen of solitude

    Le pas s'est éloigné le marcheur s'est tu     -    The step has gone away, the walker has fallen silent
    Sur le cadran de l'imitation                                                                                On the dial of Imitation
    Le Balancier lance sa charge de granit réflexe.   The Pendulum throws its instinctive load of granite.

    Mathieu questionne Char au cœur de la forge, à fleur d'enclume. C'est son mérite incomparable. Il éprouve mot à mot, il pèse lettre à lettre Le Marteau sans maître et Dehors la nuit est gouvernée, éblouissants précipités d'encre et de sang, d'air et de chair qui restent la plus incompatible monnale qu'ait frappée l'écriture dans le siècle. Qui les lit ? Personne. Sauf le moment venu, un nouveau venu, un esprit neuf, un jeune poète, garçon ou fille, et le feu reprend. Pas à pas Mathieu accompagne Char le long de sa "marche forcée dans l'indicible"  jusqu'au " débarcadère, angélique" du visage nuptial et de partage formel. Il éclaire, précise, précède,prolonge notre propre lecture en lui proposant des poèmes de mieux en mieux respirables. Tous les vingt ans parait une œuvre critique de première grandeur. Par exemple l'Âme romantique et le rêve d'Albert Béguin ou Lautréamont et Sade de Maurice Blanchot. Le livre de Mathieu est de cette classe-là.

    Jean Suquet. Juin, 1985 article 268, Mathieu Jean Claude. La Poésie de René Char ou le sel de la splendeur. 1 Traversée du surréalisme. 2  : Poésie et résistance. - Paris : José Corti 1984/1985. 2 volumes
     

    LECTURES CHOISIES EXTRAIT 268]

    Commune présence

    Tu es pressé d'écrire,
    Comme si tu étais en retard sur la vie.
    S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
    Hâte-toi.
    Hâte-toi de transmettre
    Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
    Effectivement tu es en retard sur la vie,
    La vie inexprimable,
    La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
    Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
    Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
    Au bout de combats sans merci.
    Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
    Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
    Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
    En t'inclinant.
    Si tu veux rire,
    Offre ta soumission,
    Jamais tes armes.
    Tu as été créé pour des moments peu communs.
    Modifie-toi, disparais sans regret
    Au gré de la rigueur suave.
    Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
    Sans interruption,
    Sans égarement.

    Essaime la poussière
    Nul ne décèlera votre union.

     

    L'artisanat furieux

    La roulotte rouge au bord du clou
    Et cadavre dans le panier
    Et chevaux de labours dans le fer à cheval
    Je rêve la tête sur la pointe de mon couteau le Pérou.

    The furious craftsmanship

    The red caravan on the edge of the nail
    And corpse in the basket
    And plowhorses in the horseshoe
    I dream the head on the point of my knife Peru.

    Bel édifice et les pressentiments

    J'écoute marcher dans mes jambes
    La mer morte vagues par dessus tête
    Enfant la jetée promenade sauvage
    Homme l'illusion imitée
    Des yeux purs dans les bois
    Cherchent en pleurant la tête habitable.

    Stately building and presentiments

    I hear marching in my legs
    The dead sea waves overhead
    Child the wild seaside pier
    Man the imitated illusion
    Pure eyes in the woods
    Are searching in tears for a habitable head.


    Poèmes extrait du recueil "le marteau sans maître" René Char


    Mon amour est triste
    Parce qu'il est fidèle`
    Il n'interpelle pas l'oubli des autres
    Il ne tombe pas de la bouche comme un journal de la poche
    Il n'est pas liant parmi l'angoisse qui tourbillonne en commun
    Il ne s'isole pas sur les brisants de la presqu'îles pour stimuler le pessimisme
    Mon amour est triste
    Parce qu'il est dans la nature troublée de l'amour d'être triste
    Comme la lumière est triste
    le bonheur est triste
    Tu nous as passé liberté tes courroies de sable.
    rené Char dehors la nuit Gallimard éditions 1938

    Peuple de roseaux bruns lèvres de pauvreté dentelles haletantes
    au levant de son sillage gravi entrée en flammes
    Je baise l'emplacement de sa chair fondée
    Derrière la vitre toutes les fièvres écrasées bourdonnent se raffinent
    Lauréat des yeux transportés
    Jusqu'au torrent pour la lécher au fond de sa faille
    Secoue- toi infirme vent de portefaix
    Tu pèses nuisible sur le commerce des grades
    Son encontre n'a pas renoncé au feuillage de la lampe
    Les liens cèdent L'île de son ventre marche de passion et de couleurs s'en va

    La hampe du coquelicot révolte et fleur meurt dans la grâce
    Tout calme est une plainte une fin une joie

    Monstre qui projetez votre humus tiède dans le printemps de sa ville

    Ventouse renversée au flanc de l'agrément du ciel
    Souffrez que nous soyons vos pèlerins extrêmes
    Semeurs ensevelis dans le labyrinthe de votre pied.

    Poème extrait du recueil " Dehors la nuit est gouvernée " René Char 1938

    + d'infos
    José Corti Éditions
    Marteau sans maître 1954 Pierre Boulez

    René Char Biographie Isle sur Sorgue

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